L'une des phobies les plus répandues est probablement la claustrophobie. C'est en tout cas l'une des miennes.
Si la représentation classique en est donnée par l'enfermement vivant dans un cercueil que l'on met en terre, cette image est loin de donner à ce sentiment toute son envergure.
Suivons le chemin à la mode des matriochkas. À supposer que je sois enfermé dans un cercueil que l'on met dans une grotte; parvenant à sortir de la bière, je ressentirai un immense soulagement, mais qui ne durera que le temps de me rendre compte que je suis enfermé dans une grotte... Et si je sors de la grotte, dans quoi me retrouverai-je enfermé? En moi-même et en ma finitude.
Le confinement est un existential (1) - pour reprendre les termes de Heidegger -. C'est-à-dire qu'il appartient en propre à la condition humaine et en est indissociable.
Le premier élément qui l'indique, c'est la solitude de la représentation (ou de ce que l'on appelait l'aperception). Nous sommes seuls dans notre tête, enfermés en nous-mêmes. Et si parfois cela nous semble être un avantage (parce que, par exemple, nous pensons des choses qu'on ne voudrait pas que les autres perçoivent), à terme cela équivaut à un enfermement effroyable, que l'on peut éprouver lors d'expériences troublantes, soit provoquées par des événements extérieurs, soit ayant une stricte origine psychique.
Le sentiment de solitude peut parfois marquer le pas, habituellement à la faveur d'un divertissement quelconque, qu'il soit de nature sérieuse (étude, concentration) ou frivole. Mais il refait surface rapidement, comme en témoigne le combat éternel de l'homme contre l'ennui, qui en constitue souvent le premier symptôme. D'abord l'ennui, ensuite le constat de solitude.
La solitude est un confinement fondamental, car il est impossible d'en sortir. On ne peut que se donner l'illusion de s'en être sorti. À cet égard, l'autre (l'altérité) est la preuve du caractère existential du confinement. Car l'autre existe et ne peut jamais entrer en nous. (Et ce n'est pas parce que la chose n'a pas été essayée, que ce soit au sens propre ou au sens figuré...).
La sensation de confinement cède rapidement à la panique lorsque ce confinement est considéré temporellement, comme devant durer. Un homme enterré vivant dans un cercueil n'est toujours pas mort et sa situation d'alors n'a rien de menaçant. La menace suivra en fait la pensée de la durée.
Confinement et conscience temporelle sont donc intimement liés. À tel point que la considération d'une extension indéterminée de notre existence devient aussi effroyable que celle de l'homme dans le cercueil.
Aussi loin que nous soyons tentés d'imaginer notre existence comme se perpétuant, allant jusqu'à l'éternité, nous ne pouvons que paniquer devant cette solitude.
Lorsque je m'imagine vivant éternellement, je ressens la même chose que si on me mettait, vivant, dans un cercueil.
L'opposé du confinement est donc le «monde ouvert», dont on fait l'expérience lorsqu'on se libère de quelque chose. Mais cette ouverture est un espace clos (ou un espace qui, tôt ou tard, se refermera). De sorte que c'est le confinement qui est l'existential, et l'ouverture l'exception.
Comment imaginer en finir avec cette condition? Il faudrait soit être plusieurs en nous-mêmes... soit parvenir à une transformation complète de notre perception du temps.
Or, nous sommes liés à notre entité individuelle et notre corps détermine entièrement notre représentation du temps. Autrement dit, on en finit avec le confinement lorsque l'on meurt... Hé hé...!
(1) L'existential est un principe a priori de la réalité humaine qui conditionne à la fois son mode d'être et sa pensée. Ce sont des Grundstimmungen, des tonalités affectives qui ne sont pas causées par le monde extérieur, mais qui, plutôt, forcent celui-ci à paraître selon une structure signifiante.
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